Paroles de spectateurs
Une expérience insolite en plein coeur d’une ville où l’on aime déambuler. Une rencontre imprévue avec des silhouettes animées qui nous racontent autrement la ville et le citadin. On se laisse porter et on profite de cet instant calme et poétique. W.
Ce qui m’a beaucoup touchée, ce qui m’a fait voyager dans les idées et dans les émotions c’est l’idée d’un corps humain traversé et support à la fois. Traversé par des images comme des traces de tout ce qui nous habille, nous les humains. Des images-métaphores de tout ce qu’on voit sans savoir toujours qu’on le voit et qui s’imprime quand même en nous. Corps traversé mais aussi métamorphosé au gré des images qui le traversent et le rendent grotesque ou mythique, sensuel ou rocailleux, drôle ou monstrueux. Un corps support, un corps comme un étendard, un corps qui porte et supporte fièrement, dans sa déambulation à la fois erratique et déterminée, une appartenance indéfectible à ce qui fait la complexité d’être un être humain, un corps qu’on a envie de suivre parce qu’il en dit long. Rien de moins. Christine K.
Etrange procession silencieuse. La ville se tait sur notre passage. La ville, par fragments, se projette sur le corps. Elle a besoin de nos corps pour exister. Comme elle a eu besoin des corps de nos morts pour exister précédemment, pour exister déjà. Puis la ville empruntera d’autres silhouettes quand nous n’y serons plus. Pour exister encore. Elle jouit d’une continuité historique que nous n’avons pas. L’humanité aime à se propager dans l’espace, mais elle réussit pareillement à se prolonger dans le temps, précisément par ses villes. Nous avons en quelque sorte construit là, artistes et public ensemble, une forme d’éternité… L’âme d’une ville nous dépasse largement, puisqu’elle nous préexiste et demeurera après nous. Ainsi, voir la ville épandre ses images animées sur le corps immaculé du poète m’a fait sentir ceci : l’âme d’une ville, c’est cette vie indépendante de la nôtre, qui nous emprunte nos corps le temps de notre passage ici. Parfois c’est l’homme qui échappe à sa ville. Le poète parfois s’extirpe de l’image projetée sur lui. Il lui arrive d’être trop petit pour la supporter toute entière. Il lui arrive d’avoir aussi sa part d’ombre, que la ville ignore. La ville est alors ce lieu étrange et familier qui unit les disparus, les vivants et les êtres à venir. Des corps lost in space. Pascal R.
C’est tout d’abord une ambiance. Déambuler au milieu des rues de Barcelone, entre badauds, touristes et… artistes, dans ces rues pavées, pleines d’Histoire et d’histoires, en sachant qu’on participe à l’écriture d’une nouvelle histoire. C’est à la fois ouvrir ses sens inconscients à la rue tout en entrant dans le monde de cette performance. Visuellement bien sûr, cette démarche tellement théâtrale, ce corps blanc dans l’obscurité. Mais ce corps, présent à l’instant présent se remplit d’images, d’images de Barcelone justement. Et puis l’arrivée dans ce bâtiment, historique lui aussi, qu’est le couvent de Sant Augustí. Et là, le corps se détache de l’image, s’y rattache, se fond, se mesure à elle et se démesure. Il joue, ils jouent. Et il susurre. Une phrase lâchée de ci de là qui prend tout son corps dans cette ambiance. Ce retour, ensuite, plus intégré dans la vie quotidienne de ce quartier. Et puis là, on se reconcentre autour d’une voix, celle du poète, qui émerge. Des poèmes courts qui prennent une autre dimension après l’expérience vécue, une dimension de danse qui suivrait les déambulation de ce corps blanc. Carine
Silhouette éclatante de blancheur au coeur des ténèbres. Par quelles obscures forêts, dans cette nuit obscure, nous invites-tu à cheminer ? Si mince et haute silhouette que toute entière quichottesque et goyesque tout à la fois, et même aussi dantesque, où veux-tu donc nous emmener ? Quels enfers parcourir pour à quels paradis parvenir ? Ou quels amours fous poursuivre ? Ou plutôt quelle héroico-grotesque aventure, comme la vie, mener ? Et de quelles superbes illusions se nourrir à n’en plus jamais pouvoir revenir ? Silhouette au pas dansant comme une épée de flamme vacillant aux souffles de la bouche d’ombre qui nous abrite, n’est ce pas l’image de l’Homme, – de tout homme mais à toi attachée, comme ton ombre mais de lumière – que les moindres de tes gestes dilatent aux dimensions de cette voûte de pierre ou réduisent à moins que rien ? Quant aux mots défilant sur ton habit de lumière ou susurrés à l’oreille de certains, on aimerait les méditer plus longtemps comme des énigmes devenant clefs d’or d’un parcours initiatique. Mais nous voilà déjà parvenus à la sortie du tunnel, au terme de la course, de l’aventure, de la performance – de la vie ? Alors bras étendus comme ailes déployées, à force de courir tu prends ton envol. Et ta silhouette s’évanouit à l’horizon de la nuit nous laissant émerveillés et en même temps brûlant de toutes nos questions, impatients de la voir apparaître, cette même silhouette, lors d’une nouvelle pentecôte plus performante que jamais… Francis de C
Une présence s’impose d’emblée. Une silhouette mystérieuse, une liane qui se déploie, un homme-sandwich qui offre son dos à la ville. Et déjà le public amorce la déambulation dans un silence recueilli et un calme majestueux. La poésie s’impose dans ce hangar improbable. Les mots susurrés à l’oreille n’y sont pas pour rien. Tout le monde est ainsi embarqué dans un lent voyage, conduit jusqu’à l’image finale de l’homme s’éloignant sous un parapluie. Les images défilent et nous intriguent. Elles vont du mur au plafond tandis que la silhouette de l’homme se démultiplie. J’ai même vu un enfant montant sur le muret pour avancer non loin de l’homme en imitant ses gestes. José R
« Je ne regarde pas le reflet de l’image, l’image est en moi. » (Jean GIONO – L’eau vive). Qu’est-ce qu’une œuvre vraiment artistique? C’est de l’image qui franchit le cap de la reproduction d’une réalité fade, inepte. Ce qui était envoûtant et qui donnait vraiment envie de regarder, c’était la parfaite synchronisation du corps, des mouvements, des gestes, avec les images projetées. Je n’avais encore jamais vu un spectacle complètement consacré à ce domaine des arts. Je me réjouis maintenant d’avoir pu y venir, cheminant alors dans les rues de Barcelone. Antoine de SAINT-EXUPERY écrit dans « Citadelle » ces quelques lignes qui expriment parfaitement ce que j’ai ressenti à la fin de votre spectacle : « Rien n’a de sens si je n’y ai mêlé mon corps et mon esprit. Il n’est point d’aventure si je ne m’y engage. » D.D
Dans une obscurité où l’on entend seulement les pas et des murmures, on suit le corps lumineux d’un grand homme phosphorescent sur lequel se dessinent d’étranges paysages urbains, des colonnes vertébrales autoroutières, des scènes de la vie des villes, des terrasses de bistrots ensoleillées, des places publiques, des jardins rafraichissants et des nuits électriques. Est ce l’invention d’une forme nouvelle de défilé de haute couture ? Est-ce une mystérieuse filature collective, une enquête sur une ville ? C’est du cinéma sur écran vivant, une façon d’habiller d’images l’étrange danseur, un duo funambulesque entre la femme caméra et l’homme écran, et pour nous, promeneurs nocturnes, c’est une balade singulière, comme clandestine, qui marque l’esprit. S.S
L’homme-Pierre déambule. Nous le suivons. Sur son corps Barcelone défile. Nous y croisons des rues, des places, rencontrons des visages. Parfois le corps s’accroit, se dédouble ou s’évanouit au caprice des images comme un lierre avide d’autres attaches. Nous visitons la ville que Nathalie, discret mentor-caméra, révèle en s’effaçant. Etrangement Barcelone s’immisce en nous, nous sommes ses suiveurs captifs, somnambules charmés. Quand les images grimpent aux étoiles, ressurgit alors le réel fade. M-C. A et P. L
Quand on assiste à la représentation de « Psyché Extérieur Nuit », on a l’impression, tout comme Alice aux pays des Merveilles, de pénétrer dans un monde d’images totalement original. Pas de place au son, cela n’est pas nécessaire, seul l’oeil est sollicité et la magie opère. Le corps de l’artiste se fond dans l’image ou inversement et nous propose une nouvelle vision du monde… On est partout et nulle part… La fin, très poétique, nous laisse presque un regret… celui d’un spectacle qui se finit déjà alors que nous aurions pu poursuivre ainsi jusqu’au bout de la nuit… C.D